Le service civil est un service de remplacement de l’armée pour raisons de conscience. C’est un droit inscrit à l’article 59 de la Constitution. Il a été adopté par l’ensemble des cantons et par plus de 80 pour cent de la population en 1992.

A ce titre, il est très pénible de voir à quelle fréquence notre Parlement modifie les conditions d’accès au service civil. Depuis la suppression de l’examen de conscience il y a dix ans, les modifications se succèdent au rythme des fluctuations des effectifs de l’armée. C’est vrai, l’armée a, à notre avis, un problème d’attractivité. Elle ne vit plus véritablement avec son temps. Elle ne correspond plus aux aspirations de la nouvelle génération et va de plus en plus à l’encontre des besoins de l’économie.

Il n’y a pas si longtemps, grader à l’armée permettait de grader au civil. Les entreprises prenaient en compte et utilisaient les compétences acquises à l’armée dans le cadre de leur développement et de l’avancement de leurs employés. C’est de moins en moins le cas aujourd’hui.
Aujourd’hui, bien plus que l’armée, c’est le service civil qui remplit en partie ce rôle. Les affectations au service civil permettent à des milliers de personnes de rendre service en accord avec leurs convictions. Les civilistes rendent des services qui sont essentiels à la population dans plus de 5000 établissements. Les civilistes s’investissent pour leurs concitoyennes et concitoyens dans le cadre de tâches essentielles – les soins, le social, la protection de la nature et de l’environnement, l’agriculture, la sauvegarde du patrimoine et j’en passe. Toutes ces affectations font sens pour ceux qui les assument et celles et ceux qui en profitent.

L’armée n’a d’ailleurs pas un problème d’effectifs. Cette question de l’effet du service civil sur ceux-ci est récurrente. Elle s’est posée au moment de l’introduction du service de remplacement; elle s’est posée au moment de la suppression de l’examen de conscience et se pose encore aujourd’hui. En 2010, en 2012 et en 2014, le Conseil fédéral a admis explicitement dans trois rapports que le service civil ne mettait pas en danger les effectifs de l’armée. C’est encore le cas aujourd’hui. Selon les projections, il faut environ 18 000 nouvelles recrues chaque année. En 2018, elles n’étaient effectivement que 16 300, mais près de 5000 personnes ont choisi de reporter leur service, ceci conformément à la nouvelle opportunité introduite justement pour améliorer l’attractivité de l’armée. Les effectifs sont donc, à notre avis, assurés. Et tout n’est pas perdu. Le Conseil fédéral a pris de mesures dans le cadre du développement de l’armée, pour améliorer son attractivité. Attendons d’en voir les effets avant de durcir le service civil.

Permettez-nous de penser que ces deux services sont complémentaires et permettent à chacun de trouver une manière de servir son pays, notre pays. Affaiblir l’un affaiblit l’autre. Permettez-nous de penser que si les personnes ne peuvent plus quitter l’armée pour continuer de servir la Suisse dans le cadre du service civil, elles trouveront un autre moyen de la quitter, par exemple en se faisant réformer.

J’aimerais encore ajouter un point. A notre avis, un certain nombre de modifications sont en contradiction avec le droit international. Celui-ci estime généralement que le service civil ne doit pas avoir un caractère de sanction de par sa pénibilité ou sa longueur et qu’il doit être possible d’invoquer le statut d’objecteur de conscience, y compris après l’incorporation dans les forces armées. Les modifications que nous votons aujourd’hui sont sur le fil du rasoir en vertu de ce droit. Le Conseil fédéral le reconnaît d’ailleurs dans son message où il juge qu’il faudra attendre une décision des tribunaux pour être fixé.

Dans ce sens, nous vous demandons de ne pas entrer en matière.

Et sur les minorités :