J’aimerais d’abord remercier ici toutes celles et tous ceux qui se sont engagés pour la population. Pendant quelques semaines, ils ont abandonné leur famille, ils ont interrompu leurs études, ils ont arrêté leur travail pour donner leur temps pour la communauté. Ce ne sont pas seulement les militaires, ce sont aussi les milliers de civilistes déjà engagés ou engagés dans le cadre de la crise. Ce sont aussi les membres de la protection civile mobilisés par les cantons. Ces personnes ont apporté un soutien précieux dans les hôpitaux et les EMS, mais aussi dans les écoles et les institutions sociales. Merci à eux. Pour remercier cet engagement à sa juste valeur, nous accepterons d’ailleurs la proposition de la minorité Seiler Graf qui propose d’imputer l’ensemble des jours de service effectués et pas seulement deux cours de répétition, comme le propose le Conseil fédéral.

Notez que toutes les critiques que nous formulons vis-à-vis de l’engagement de l’armée ne sont pas dirigées contre ces personnes mobilisées, mais contre l’institution et son fonctionnement. Sur le fond, nous saluons le fait que l’armée serve enfin à quelque chose. L’engagement d’environ 4500 soldats est la plus grande mobilisation depuis 70 ans. Comme toujours, cela ne concerne que des tâches civiles. Les mortiers achetés pour des millions de francs, les chars rénovés pour un demi-milliard et autres avions de combat qui coûteront 24 milliards de francs ces prochaines années ne servent à rien. Ils ne servent à rien dans la crise que nous traversons, comme ils ne servent d’ailleurs à rien dans le cadre des menaces identifiées par le Service de renseignement de la Confédération.

Les Verts exigent ainsi depuis toujours que la Suisse se dote d’une organisation civile spécialisée, indépendante de l’armée, volontiers de milice, pour répondre à des crises comme celle-ci. S’il vous fallait des arguments supplémentaires, il faut relever qu’il a fallu former les personnes engagées parce que leur instruction dans le cadre militaire ne leur permet pas d’être immédiatement opérationnelles dans le cadre civil, et qu’une instruction bâclée mettrait en danger leur santé.

Si l’engagement de l’armée a été globalement salué, de nombreux problèmes sont rapidement apparus. De nombreuses discussions avec des recrues et des soldats engagés nous ont montré les limites du déploiement. Les soldats engagés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 n’ont finalement pas eu autant de travail que prévu, en tout cas pas dans les cantons moins touchés. Ils se sont occupés comme ils pouvaient, jass, cinéma, construction de faux chalets. La Confédération se dédouane un peu simplement en rejetant la faute sur les cantons. Comprenez-nous bien, nous saluons le fait que les besoins aient finalement été largement moins importants que prévus. Nous aurions toutefois espéré que la mobilisation, et surtout la démobilisation, soit plus agile et plus coordonnée.

Nous déplorons aussi l’engagement de militaires dans des institutions ayant demandé un accès au chômage partiel. Il est inadmissible qu’un militaire financé par le budget fédéral prenne la place d’une personne qualifiée! Selon nous, la règle selon laquelle l’armée intervient uniquement de manière subsidiaire et uniquement lorsque toutes les autres possibilités ont été épuisées, n’a pas toujours été respectée. Afin de rappeler ce point, nous soutiendrons d’ailleurs la proposition de la minorité Fridez.

L’autre problème est plus grave. L’armée n’a pas réussi à protéger son personnel. Le taux d’infection au sein des écoles de recrues et des centres d’engagement a été très largement supérieur à celui de la population. Le non-respect des dispositions de l’OFSP pendant certains exercices, dans les dortoirs ou lors des repas n’est pas admissible! Que certains cadres aient pu continuer à rentrer chez eux alors qu’ils causaient un risque pour leur famille ou leur communauté n’est pas admissible. L’armée ne peut pas simplement reléguer les nombreux problèmes relevés au rang de « cas isolés ». Cette insouciance a créé un risque inacceptable pour la population. L’armée aurait dû interrompre les écoles de recrues et elle devrait se poser la question de savoir s’il est raisonnable de convoquer les écoles de recrues prévues cet été.

Je ne sais plus qui a dit hier que seule l’armée est capable de réagir aussi vite pour fournir des personnes qualifiées. Permettez-nous de penser que ce n’est pas le cas. Nous déplorons le fait que la Confédération n’ait pas appel de manière plus importante au service civil, alors que la législation lui en donne la possibilité et que les civilistes sont mieux préparés à un engagement comme celui-ci. Le Conseil fédéral reconnaît d’ailleurs la nécessité de ces personnes puisqu’il a déjà prévu que le service civil prenne le relais de l’armée dès cet été.

Au vu des arguments et parce qu’on ne tire pas sur l’ambulance, le groupe des Verts s’abstiendra au vote sur l’ensemble. Il soutiendra par ailleurs la proposition de la minorité Roth Franziska qui demande que l’engagement, dans le cadre du soutien à l’Administration fédérale des douanes, soit interrompu dans les plus brefs délais.