La crise du covid-19 a montré de multiples manières les problèmes de discrimination entre les genres. Prenons l’exemple des communications du Conseil fédéral : à peine 13% des experts étaient des expertes. Les décisions sont donc prises par des hommes, alors même que les femmes ont été d’importance systémique durant la crise : dans les soins (86% de femmes), dans la vente (66% de femmes), dans la garde des enfants (92% de femmes) et plus largement dans le domaine de l’aide à des tiers. Sans parler de toutes les charges ménagères et éducatives, réalisées souvent à côté du télétravail.

Malgré cette importance, les conditions de travail sont toujours extrêmement pénibles, et les salaires sont loin d’être à la hauteur. Dans les soins par exemple, notre conseil a voté en décembre un contre-projet à l’initiative pour des soins infirmiers, le projet a été largement vidé de sa substance par le Conseil des États. C’est donc devant la population qu’il faudra défendre cette évidence : les applaudissements ne nourrissent pas.

Je suis un homme, je suis blanc, je suis suisse. Je cumule les privilèges dans notre société qui discrimine les femmes, les étrangères, étrangers, hommes et femmes de couleur. J’ai deux enfants. En termes d’égalité des chances, ma fille ne part pas avec les mêmes avantages que mon fils. En moyenne, ma fille a un risque plus élevé de tomber dans la pauvreté. Ma fille a un risque élevé d’être agressée, en particulier sexuellement. Ma fille aura en moyenne un salaire plus bas et une retraite un tiers inférieure à celle de mon fils. Ce sont les chiffres sur l’égalité aujourd’hui en Suisse. Et ceci même si notre constitution consacre l’égalité en droit et en fait depuis 1981. Il a fallu 10 ans et la première grève des femmes en 1991 pour que la Suisse se dote d’une Loi sur l’égalité. Sans grands effets. Presque 30 ans plus tard, il a fallu une nouvelle grève des femmes pour accélérer la révision de la loi, pour qu’on institue enfin des contrôles. Des contrôles d’ailleurs très limités, la loi ne prévoyant en effet de surveiller les salaires de moins de la moitié des employé·e·s et de moins de 1% des entreprises. Sans contrainte et sans sanction, va-t-on arriver à changer les choses ? L’expérience montre que non.

Et les suites budgétaires de la crise pourraient bien fragiliser ces maigres avancées pour l’égalité. Il n’est pas acceptable que les programmes d’austérité, ici ou dans les cantons, démantèlent les structures d’accueil extra-familial, démantèlent encore plus les structures de santé, comme nous l’avons fait depuis des décennies, démantèlent les secteurs de l’éducation et de la formation. C’est précisément dans ce sens que nous souhaitons une analyse sexo-spécifique dans le budget de la Confédération. Pas seulement pour allouer les fonds de manière égalitaire, mais aussi parce que cela permettra de mettre en évidence les biais et de les corriger.

Je me réjouis que tous les hommes qui se sont succédés hier à la tribune pour parler des droits des femmes [dans le cadre du débat sur l’interdiction de la burka] prennent enfin toutes les mesures nécessaires pour améliorer l’égalité. Nous verrons bien ce matin qui est prêt à aider les cantons pour le développement de programme dans la politique de la petite enfance. Nous verrons bien en septembre qui soutiendra le renforcement de la Loi sur l’égalité, en introduisant des sanctions et en renforçant les contrôles. Et nous verrons bien qui accepte d’intégrer la notion de consentement dans le droit pénal sexuel.

Sans décisions fortes, sans engagement des femmes et des hommes de tous les partis, il y a fort à parier qu’il faille 30 autres années et autant de grèves des femmes pour parvenir à l’égalité.