La crise du Covid-19 nous a rappelé le rôle essentiel de la culture dans la vie des Suissesses et des Suisses comme divertissement, comme moyen de se retrouver mais aussi comme moyen essentiel pour questionner notre société. Quand il n’y a plus ni théâtre, ni cinéma, ni concert, ni festival, quand les bibliothèques ou les librairies sont fermées, quand les musées n’accueillent plus aucun visiteur, c’est à ce moment-là qu’on mesure l’importance économique et sociale de la culture. C’est à ce moment aussi qu’on mesure la diversité de ce milieu.

La crise nous a surtout montré la fragilité des milieux culturels: des boulots précaires, des contrats à durée déterminée, des indépendants ne travaillant que quelques mois par an, souvent dans des conditions difficiles. Pour beaucoup de personnes, la crise a révélé l’absence de protection sociale et la nécessaire intervention de l’Etat. C’est un des points qui, à notre avis, manque dans le message. C’est pourtant un des rôles essentiels de l’Office fédéral de la culture. Ces prochaines années, il faudra que les personnes se mettent autour de la table pour trouver des solutions. Les associations professionnelles devront être intégrées à ces discussions.

Globalement, notre groupe salue le message culture pour la période 2021-2024, en particulier la vision élargie de la Confédération. Nous saluons donc la continuité et le maintien des trois axes et soutenons l’ajout de la digitalisation, essentielle aujourd’hui. Le soutien à la médiation mériterait d’être renforcé avec l’objectif de gagner de nouveaux publics. Au niveau international, la Confédération joue au niveau culturel un rôle important. Nous payons pourtant aujourd’hui le prix de notre absence des programmes culturels européens, principalement « Europe créative ». La Confédération doit donc accélérer les négociations pour pouvoir participer à ce programme, si possible encore pour la période 2021-2027.

Les schémas de financement de la culture sont très complexes: loteries, fondations, sponsoring, communes, cantons, Confédération, billetterie, et j’en passe. Dans ces schémas, la Confédération a un rôle subsidiaire. Financièrement parlant, ce n’est effectivement de loin pas l’acteur le plus important. Pourtant, dans le cadre des projets internationaux, dans celui de projets spécifiques ou dans le cas du financement des faîtières et en particulier pour fixer les conditions-cadres, la Confédération joue un rôle essentiel qu’il faudra renforcer. L’augmentation des moyens financiers est donc à saluer, même si, comme lors de chaque message, ces moyens ne nous semblent pas suffisants. Le développement du programme « Jeunesse et musique », de même que les échanges scolaires ou les soutiens supplémentaires à Pro Helvetia sont des accents importants. Toutefois, dans d’autres domaines, la Confédération a élargi le champ des prestataires qui obtiennent des subventions sans élargir le montant global des subventions, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Et il faudra se battre pour que les moyens ne soient pas coupés au gré des budgets, comme ce fut le cas en 2017/18.

Pendant la crise du Covid-19, il n’y a pas eu que des perdants. Pendant que les exploitants des salles obscures tiraient la langue, les géants du web – Netflix, Amazon ou Disney – ont engrangé des milliards de francs à travers leurs réseaux de diffusion en ligne. Ces géants contribuent pourtant peu, voire pas du tout, à la culture cinématographique indépendante en Suisse. Les modifications de la loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques permettront de corriger une inégalité entre ces médias et les chaînes de télévision traditionnelles. Nous soutiendrons donc ces modifications – j’y reviendrai dans la discussion par article.

J’ajoute quelques points encore. Il manque à notre avis deux formes artistiques dans le message: la bande dessinée, d’une part, et l’art dans l’espace public, ou l’art de rue, pour les Romands, d’autre part. Dans sa préface au répertoire des arts de la rue et du cirque, publié en 2019, le Conseil fédéral, par la voix du conseiller fédéral Alain Berset, relève l’importance des arts de la rue dans le paysage culturel suisse. Il ajoute qu’en Suisse le travail des professionnels des arts de la rue n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cette reconnaissance est malheureusement restée symbolique puisque les arts de la rue sont aujourd’hui absents du message culture.

Nous reviendrons donc, dans la discussion par article, sur des propositions concrètes, par exemple sur le patrimoine bâti, mais aussi sur des problèmes en lien avec le livre et l’édition. Les problèmes de diminution des budgets pour les réseaux de tiers mériteront aussi notre attention.

Nous vous demandons finalement de refuser les propositions de renvoi et de non-entrée en matière. La proposition Keller Peter est particulièrement de mauvais goût. Il y a une logique perverse à vouloir faire payer les soutiens octroyés dans le cadre de la crise du Covid aux actrices et acteurs culturels ces prochaines années. Ils ne sont pas responsables de la situation. Ils ont subi, comme tout le monde, les fermetures et restrictions imposées par la Confédération. Je vous remercie de refuser ces propositions.