Je vous donne la position des Verts concernant la loi sur la culture et la production cinématographique. Je l’ai déjà dit dans le débat d’entrée en matière, pendant la crise du Covid-19, les distributeurs de films en ligne – les géants de la Toile comme Netflix, Amazon, Disney ou Apple – ont été largement gagnants, contrairement d’ailleurs aux médias plus traditionnels, y compris les radios et les télévisions, contrairement aussi aux cinémas traditionnels. Ces géants contribuent peu voire ne contribuent pas du tout à l’encouragement de la culture cinématographique en Suisse.

Les modifications de la loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques permettraient de corriger une inégalité entre les médias de streaming et les chaînes de télévision, qui doivent aujourd’hui investir dans la production de films. Nous soutenons donc une obligation d’investir 4 pour cent du chiffre d’affaires dans la production indigène ou de payer l’équivalent pour les programmes de la Confédération qui financent le cinéma pour l’ensemble du paysage audiovisuel. Ce chiffre correspond à ce qui se fait ailleurs en Europe. Cela permettra de développer la branche.

Il est faux aussi d’estimer que ces sommes seraient répercutées sur les consommatrices et consommateurs. Les Suissesses et les Suisses payent déjà aujourd’hui une taxe « Big Mac » chez Netflix. Les prix sont largement supérieurs en comparaison internationale, entre 40 et 50 pour cent de plus. Ailleurs en Europe d’ailleurs, l’obligation d’investir dans les productions nationales n’a pas entraîné d’augmentation du prix des abonnements.

Nous soutenons également l’obligation de présenter 30 pour cent de films européens au catalogue. Rappelons que c’est une norme européenne qui fixe le cadre: l’article 13 de la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels. Fixer un pourcentage inférieur reviendrait à rendre compliquée toute volonté d’harmonisation avec l’Union européenne. Ce serait une pierre d’achoppement si nous voulions adhérer au programme culturel de l’UE « Europe créative ». Netflix s’est d’ailleurs déjà adapté sans problèmes à cette obligation.
En 2018, la plateforme de streaming offrait déjà presque 20 pour cent de films européens sur son catalogue. Elle doit aujourd’hui avoir dépassé les objectifs puisque c’était cette année qu’elle devait y arriver.

La proposition de minorité est donc un retour en arrière incompréhensible. Il est aussi faux de penser que les consommatrices et les consommateurs perdent leur capacité de choisir. Aujourd’hui déjà, Netflix choisit pour vous, et vous regardez ce qu’on vous propose. Il est donc logique que la plateforme mette aussi en avant des films européens ou, mieux encore, des films suisses.

Il faut noter encore que les chaînes régionales seront majoritairement épargnées. Toutes les chaînes régionales linéaires qui ont une concession et bénéficient de la redevance ne font presque que de l’information et ne diffusent pas de films; aujourd’hui, elles ne sont pas assujetties au 4 pour cent et dans le futur elles ne le seront pas non plus. Actuellement, selon l’OFCOM, huit chaînes régionales présentent des films de cinéma et ont été assujetties au 4 pour cent prévu par la loi sur la radio et la télévision; aucune de ces chaînes ne bénéficie de la redevance. Ce sont partiellement des chaînes allemandes ou appartenant à des groupes allemands. Il est intéressant aussi de constater que Swisscom, propriétaire de Teleclub, investit déjà les 4 pour cent – 1 million de franc chaque année – dans le cinéma.

La fondation Cinéforom a publié en 2019 une étude sur le domaine cinématographique. Elle montre que le cinéma n’a pas seulement une importance culturelle ou sociale, mais aussi une importance économique. Des dizaines de sociétés créent des milliers d’emplois et génèrent des dizaines de millions de francs de chiffre d’affaires. La nouvelle loi sur le cinéma permettra de renforcer ce secteur.

Le projet du Conseil fédéral est équilibré, et nous vous proposons de l’accepter et de rejeter toutes les minorités qui l’affaiblissent.