Comme vous le constatez dans le cadre du débat sur l’initiative de résiliation, nous ne remettons pas fondamentalement en cause les accords de Schengen. La libre circulation est un acquis important des relations entre la Suisse et l’Union européenne. Les Suissesses et les Suisses se sont habitués à ce confort dans leurs déplacements au sein de l’Union européenne et, les sondages le montrent, ne veulent pas d’un retour en arrière.

Et tout n’est pas à jeter dans le système d’information Schengen (SIS). Le système permet notamment le signalement de personnes disparues; d’enfants risquant d’être enlevés, par exemple par un parent; de personnes à risque d’être enlevées dans le cadre de la traite d’êtres humains ou de mutilations génitales. Il permet d’unir les forces de police pour lutter efficacement contre le terrorisme et le crime organisé; il permet de mieux contrôler la circulation des armes à feu.

Mais les Verts ont un problème avec le volet migratoire de ces accords. Le problème, ce sont les restrictions grandissantes vis-à-vis des étrangers et des Etats tiers, la politique migratoire de plus en plus stricte justifiée par la peur de la criminalité et le renforcement d’une Union européenne policière. C’est la construction progressive de la forteresse Europe que les Verts dénoncent de longue date. Les récents évènement du camp de réfugiés de Moria nous le rappellent crûment: la politique migratoire de notre continent est une honte. Selon le HCR, le camp accueillait au moment de l’incendie qui l’a ravagé 13 000 personnes, dont 4000 enfants. Ces personnes sont depuis des mois en attente d’un hypothétique accueil. Quel est le rapport, me direz-vous? Eh bien la limitation de circulation sur le territoire européen pour les migrantes et les migrants est un des objectifs de l’extension du règlement SIS Frontières. Il prévoit en effet le signalement obligatoire lorsqu’une interdiction d’entrée conforme à la directive sur le retour a été prononcée. Je cite ici le Conseil fédéral: « Ceci aura pour conséquence (…) un plus grand nombre d’interdictions d’entrée ». Aujourd’hui, 500 000 personnes répertoriées dans le SIS sont fichées et ne peuvent, pour diverses raisons, plus être accueillies en Europe.

Un autre problème: sous couvert du développement de l’acquis de Schengen, le Conseil fédéral propose au Parlement de restreindre encore le droit des étrangers, par exemple en interdisant l’entrée en Suisse pour toute une série de délits. Alors que de nombreuses interdictions revêtaient jusqu’à aujourd’hui la forme potestative, elles deviennent obligatoires. Ces interdictions violent, à notre avis, le principe de proportionnalité et présente une forme de double peine. La clause humanitaire, souvent invoquée par le Conseil fédéral, est finalement peu utilisée et n’est, à notre avis, pas un garde-fou suffisant.

Les Verts ont souvent critiqué le problème de la protection des données en lien avec la banque de données du SIS. Les nouvelles informations transmises, en particulier les informations biométriques, et l’introduction d’un système de reconnaissance faciale aux frontières renforcent encore ce sentiment. La durée pendant laquelle certaines informations sont conservées – de trois à cinq ans, par exemple pour un refus d’entrée – est disproportionnée, surtout vu l’interdiction formelle d’entrer sur le territoire qu’elles entraînent. Le nombre de personnes autorisées à accéder aux données du SIS est également problématique. En 2018, on comptait 2 millions de personnes autorisées à accéder aux informations concernant plus de 75 millions de personnes. On parle de données biométriques, de photographies permettant l’identification automatique, d’empreintes palmaires, de profils d’ADN. Des documents internes de l’Union européenne montrent que le Royaume-Uni, par exemple, s’est largement servi dans la base de données du SIS et a transmis ces informations pendant des années à des entreprises américaines. C’est cocasse: le Royaume-Uni n’est pas partie à l’accord de Schengen et il n’a qu’un accès limité depuis 2015. Il y a un problème inacceptable de protection des données avec le SIS.

Il n’est pas acceptable non plus que la fiabilité de ces données soit problématique. Il n’est aujourd’hui pas impossible que certains Etats membres de l’Union européenne utilisent politiquement le SIS pour museler les critiques qui leur sont adressées. C’est le cas de la Pologne, par exemple, qui, il y a quelques années, a empêché la réentrée sur le territoire européen d’une militante des droits de l’homme très critique envers sa politique.

Pour toutes ces raisons, nous refuserons d’entrer en matière: parce que la voie choisie est trop restrictive à l’égard des migrantes et des migrants et parce que le Conseil fédéral fait du zèle dans l’application des dispositions relatives au SIS.